mercredi 13 juin 2012

Calling you.

J'ai passé presque 20 ans à savoir PARFAITEMENT comment j'appelerai mes enfants. Les noms étaient choisis, gravés dans la pierre, inchangeables.
Et puis voila, un jour, le futur père répond "no, i'm vetoing this one, i hate it".
Ah.
Comment ça, veto ?
Euh, on n’est pas au conseil de sécurité de l'ONU, non plus.
Veto, c'est un peu fort ?
Non ?
Ah non, vraiment.
Bon.
Alors voilà, on passe des heures à te trouver un nom. Un joli. Pas trop commun. Qui marche en français. Qui marche en anglais. Qui plaise à ton père. Qui plaise à tes futurs grands-parents. Même si on ne les consulte pas, mais quand même - parce que ton père, vois-tu, son argument ultime est: "my dad would be SOOO disappointed if we called him XYZ...". Hm.
Et voilà, on n'est même pas encore enceinte qu'on a trouvé le prénom parfait. THE one. Il répond à tous les critères, et il ne nous reste plus qu'à attendre un test positif. Qui ne vient pas. Pendant des mois. Et des mois. Et des mois. En attendant, la collègue de labo tombe enfin enceinte, ainsi que la terre entière et sa soeur. Bon, c'est pas grave. Moi je sais comment tu t'appelles, ça me tient chaud.
Et puis voilà, après une visite de Noël à Cerne Abbas, un beau matin de janvier, on voit les 2 lignes. Et on sait déjà ton nom.
Enfin, tu aurais aussi pu être une fille, et on savait AUSSI ton nom.
Mais secrètement, j'espérais un petit mec - et un peu surtout parce que j'avais ce nom parfait. Ce nom qui avait réussi à remplacer 20 ans d'évidence.
Et voilà qu'un jour, alors que tu avais déjà 14 semaines, alors que je connaissais ton nom depuis déjà plus de 6 mois, alors que je commençais à croire que tu allais vraiment devenir ma réalité, voila donc qu'un jour, un e-mail arrive. Annoncent la naissance du fils de la collègue de labo. Celle avec qui je partage un bureau depuis plus de 6 ans. Celle qui est violemment passée de self-centered à self-obsessed depuis qu'elle est enceinte. Celle que je ne supporte plus, après tant d'année à lui offrir mon support quotidien.
Ce jour là, l'ai pleuré toute la journée.
Tu n'avais plus de nom.
Son fils te l'avait pris.
Et voir ton zizi à l'échographie 10 jours plus tard m'a (secrètement) serré le coeur.
J'avais mon p'tit mec, mais je ne connaissais pas son nom.
Il nous a fallu 3 mois pour nous en remettre, pour te retrouver une identité, pour accepter qu'un nom ne soit qu’un nom, pour accepter que le nom parfait n’existe pas.
Tu es passé par un paquet d'identités.
Mais depuis ce matin au sortir de la douche, on est enfin d'accord.
Tu as un nom.
Ca ne plaira pas à ton grand-père français, mais tant pis. Je n'arrive pas à le prononcer correctement en anglais, mais tant pis.
Ce n'est peut-être pas le nom "parfait" - mais c'est le tien - et il te va parfaitement.