C'est étrange comme être seul(e) est mal vu. Ca ne peut pas être un choix. C'est malsain. Tu dois vouloir te mêler aux autres sinon t'es anormal(e).
Moi j'aime ça être toute seule, faire mes machins, lire un truc, marcher en regardant mes pieds et à mon rythme, rêvasser, travailler avec le cerveau en circuit fermé par mes écouteurs, me parler à voix haute en rigolant, me sentir libre, chanter des vieux trucs ou dessiner sur mon ordinateur. Aucune envie de partager ces moments là, pas besoin de spectateur, encore moins de commentateur.
Oui d'accord il m'arrive d'être en manque de contact humain, de contact de qualité, celui qui fait discuter pendant des heures sur la banquette d'une cafétéria ou à l'ombre d'un arbre un soir de pique-nique. Oui. Certes.
J'aimais bien travailler dans le même bureau que Jérôme, tous les deux absorbés dans nos mondes intérieurs. De temps en temps, une tête se levait, puis l'autre répondait à l'appel, et Jérôme faisait des grands signes avec ses mains pour m'expliquer - "Non mais tu comprends c'est génial ! Si j'arrive a montrer que ce système est contractant alors..." - alors je me souviens plus, mais je me souviens de l'enthousiasme, de l'intelligence et de la passion. Et des cheveux en bataille. Et des doigts écartés qui se posent sur ses tempes. Et des agendas remplis de formules, de références, et de recettes de cuisine - le gâteau de semoule, essentiel à la survie d'un automaticien, le gâteau de semoule...
Mais Jérôme a été la seule exception, le seul avec qui je pouvais partager ma solitude. Aucun autre n'a réellement compris et ne m'a laissé suffisamment d'espace. Et c'est finalement très bien ainsi.
La solitude est mon choix, et je m'y sens bien. Pas une option par défaut, un vrai choix pensé et désiré. Mais difficile à assumer face aux regards dubitatifs voire hautains des collègues en partance pour le pub. "Not tonight thanks, I'd rather stay on my own" - "Are you all right ??" - "Yes, just need to relax" - "Well, having a pint with few colleagues is surely the best way to relax, isn't it ?!". Sourire, cligner des yeux comme avec un chat, attendre que mon "non" arrive à son cerveau, dire "bye", allumer ma lampe de bureau, mettre du thé à chauffer, être seule, enfin.
Dévorer les textes d'un inconnu qui me fascinent, rire en écoutant la radio, réviser mes leçons d'espagnol, écrire un peu, faire la vaisselle dans le labo, vivre à ma façon, peut-être pas la vraie vie idéale, mais juste la mienne, imparfaite et déséquilibrée, comme je l'aime.
"Par hasard, elle aime mon incertitude
Par hasard, j'aime sa solitude..."
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