dimanche 9 décembre 2012

Le quatrième trimestre

Bientôt 12 semaines. Presque un trimestre.
Pour rien au monde je ne voudrais revivre ces toutes premières semaines, ce premier mois. Une horreur.
En même temps, j’y retournerai bien si je pouvais y emmener avec moi ma mémoire.
Tellement de choses que j’aurai voulu savoir, mais qu’on ne pouvait pas me dire. Tellement de nuits blanches et de crises de larmes qui auraient pu être évitées, si je savais alors ce que je sais maintenant.

Ceci dit, mon bébé du 21eme siècle, celui que la sélection naturelle aurait éliminé en d’autres temps, né par césarienne d’urgence et nourrit au bouillon de culture pendant des semaines, mon bébé va super bien. Il est beau, il sourit en me montrant des gencives magnifiques, et depuis maintenant une semaine entière, il est nourri au sein exclusivement. Si on m’avait dit qu’il me faudrait 72 jours pour réussir à nourrir mon fils ˮnaturellementˮ, j’aurai surement haussé les yeux au ciel en disant whatever. Et pourtant.

Bientôt 12 semaines. Presque un trimestre.
Et je commence à paniquer a l’idée qu’il me faudra un jour retourner au monde civilisé, et laisser mon bébé kangourou aux soins de quelqu’un d’autre. J’ai encore 6 mois - 2 trimestres - avant de reprendre mes pipettes.
Et si un trimestre m’a semblé long, 2 trimestres me semblent bien trop courts.

StruggleMan & his sidekick GrumbleCat

mercredi 17 octobre 2012

La philosophie du masque à oxygène.

"Passengers are instructed to make sure their masks are on first before assisting other passengers or children"
Ce n’est pas si facile.
Et je ne suis même pas sure d’être d’accord.
Oh je comprends bien que ma survie est essentielle à la survie de mon fils, biensur. Mais comment fait-on la différence entre la survie et le confort ?
Chéri n’hésite pas à laisser Errol pleurer pendant 30 secondes pour se faire une tasse de thé. Ca me rend furieuse. Chéri a-t’il vraiment BESOIN d’une tasse de thé ? Est-ce une question de survie ?
Chéri essaie de me convaincre qu’Errol a besoin d’apprendre la patience. Ca me rend furieuse. A 4 semaines, mon fils a besoin de savoir que papa ou maman seront toujours là, tout près, au moindre gémissement. Il a besoin d’être convaincu qu’il peut nous faire confiance. That I have his back, no matter what. La patience, il a toute une vie pour l’expérimenter.
Il y a seulement 4 semaines, c’était encore un fœtus, nourri, logé et blanchi par osmose, sans un seul challenge à affronter que de sucer son pouce et de se recroqueviller dans un espace restreint. Et tout à coup, après quelques jours où il lui a fallu tout apprendre; respirer, manger, digérer, réguler sa température, toutes les fonctions vitales de base, en quelques jours après que son monde se soit totalement effondré, il doit apprendre la patience ?
Il doit attendre que son pere se prépare une tasse de thé ?
Il doit attendre que je mette mon masque à oxygène ?
Ai-je BESOIN d’un vrai déjeuner ? Non, je peux manger des tranches de jambon debout devant la porte du frigo, en balançant mon fils pour l’endormir. Ai-je BESOIN de 5 minutes pour aller aux toilettes ? Non, le petit dans le porte-bebé, et la pause pipi devient une aventure familiale.
Comment redéfinir le BESOIN ?
Biensur, sur le long terme, une telle attitude n’est pas viable. C’est l’argument massue de chéri. Ca me rend furieuse. Errol ne sera pas un nouveau-né pour la vie. Et nous redéfinirons la notion de BESOIN avec les semaines, les mois et les années qui passent.
Alors l’oxygène, soit, j’accepte, mais le thé ? Même pour un britannique pure souche, ce ne sera JAMAIS un besoin.

mercredi 26 septembre 2012

Errol n'a pas sommeil...

... depuis le Mercredi 19 Septembre à 2h44 du matin.

 

lundi 10 septembre 2012

Last minute panic


Est-ce que ce sera aujourd’hui ? Est-ce que ce sera demain ? Dans une semaine ?
Attendre est un jeu con. Je regarde la téloche, je dors avec le chat, je mange des salades et des melons, je lis… je m’EMMERDE !!!
Après 9 mois avec une date encerclée en rouge, j’ai eu beau me répéter des centaines de fois que c’était le 12 septembre + ou – 2 semaines, il n’empêche, je m’impatiente. Et en même temps je ne suis pas si pressée.
Parce que bon, j’ai les chocottes, je l’avoue. Et si après tant d’années à l’avoir voulu, imaginé et rêvé, je n’en voulais pas, de mon fils ? Et si ses pleurs m’insupportaient, et si m’occuper de lui me rendait folle ? Je suis une biologiste, une chercheuse, pas une changeuse de couche / vache à lait…
A n’avoir rien à faire, j’imagine. Mal.
On me dit de prendre l’air, de profiter, d’aller faire un tour. 10 min de marche entre le labo et la maison vendredi dernier m’ont mis au bord des larmes. En une heure et demi à faire trois courses pendant le week-end, j’ai du aller m’enfourner dans des toilettes immondes 2 fois pour faire pipi. Profiter, oui, bon. Une autre idée ?
Je ne sais pas ce que je veux.
C’est surement pour ca que rien ne se passe.
Pas une contraction, pas un signe, juste une tête engagée qui presse sur mes os, sur ma vessie, et sur mon moral.
Est-ce que ce sera demain ? J’espère que non, mauvaise date, a 9/11 kid. Est-ce que ce sera dans une semaine ? Dans deux semaines ? Sera-t-il un petit Balance, un bébé de l'automne finalement ?
Et si on annulait tout et on retournait au labo ?

lundi 27 août 2012

Le mois le plus long

Je n’ai jamais particulièrement apprécié les conseils. Je sais, je sais, c’est parfois un peu irrationnel, un conseil n’a jamais tué personne, et est même parfois utile. Ceci dit, mon coté tête de cochon ne SUPPORTE PAS les conseils non sollicités. Vraiment. C’est presque viscéral.

Mais voila, il semblerait que mon statut de femme enceinte donne le droit au monde entier (et à sa mère) de me dire ce que je dois absolument faire, ne pas faire, manger, ne pas manger, acheter, ne pas acheter, et surtout tu dois allaiter hein, et le bébé doit dormir dans sa chambre au plus tôt sinon ce n’est pas sain, et quoi tu n’as pas acheté de poussette ? Mais enfin, tu ne peux pas juste utiliser un porte-bébé, c’est ridicule ! Et les lingettes, ah non, c’est agressif pour les fesses et pas écologique. Comment, tu ne vas pas laver tes couches ? Mais c’est tellement cher d’acheter des couches jetables. Et quoi, tu veux une péridurale / tu ne veux pas de péridurale / tu n’as pas choisi d’accoucher chez toi ?….

Sérieusement les filles, STOP.

J’arrive à sourire sans trop grincer des dents, même si j’ai du remettre les points sur les i avec la mère de chéri, qui a débarqué la semaine dernière avec tous les habits de bébé de son fils unique (oui, stockés dans une armoire depuis 30 ans) en m’en promettant d’autres et en m’expliquant que les tétines c’est le mal, que les enfants doivent TOUJOURS être au lit avant 19h, et qu’une baffe de temps à autre n’a jamais fait de mal a personne... Il a bien fallu que je lui rappelle que ce n’était pas chéri que j’allais mettre au monde d’ici peu, mais bien LE FILS DE chéri, autrement dit mon enfant à moi et pas le sien. Je prévois des Noëls difficiles…

Bref, il se trouve que je n’ai pas vraiment de grands principes. Je n’ai pas d’idées préconçues sur TOUT. Je crois que ce dont je vais avoir besoin, ce n’est pas d’un livre rempli de règles inflexibles, mais au contraire, je vais devoir m’ADAPTER. Et si ça veut dire acheter une poussette parce que le bébé n’aime pas être porté, soit. Et si ça veut dire abandonner le sein si j’échoue à allaiter, soit. Et si ça veut dire que la seule solution aux pleurs incessants est une tétine, soit. Certes, je n’ai encore aucune expérience de maternage, mais toutes ces femmes qui savent tout et veulent diriger mes premiers pas de mère n’ont aucune expérience de MON enfant.

Et même chéri s’y met: le bébé DOIT hériter de son ours en peluche et en faire son favori (uh ?), ou alors on achete un chien en peluche qu’on appellera "Benny-Bear", comme son chien à lui quand il était petit (uh ??), et on fera comme sa mère pour [remplir avec tout et n’importe quoi] (uh ???) et… il a donc fallu AUSSI mettre les points sur les i avec chéri en lui rappelant que ce n’était pas de LUI que j’allais accoucher d’ici peu, mais bien d’un être humain tout neuf, un petit garçon qui ne s’appellera pas comme chéri et qui n’aura pas l’enfance de chéri, la mère de chéri, et les souvenirs de chéri. Je prévois des soirées difficiles…

Ceci dit, dès que je demande des conseils (oui, tu as bien lu ma phrase) sur ce que je peux prévoir pour MON post-partum, tous ces trucs dégueu que personne n’aime à partager sur les seins qui coulent, les points qui se décousent, ou l’utilisation de serviettes hygiéniques XXXL, là il n’y a plus personne. Même la monitrice du cours de préparation à la naissance a brossé mes questions (précises, certes) avec un "oh, well, you’ll see, don't worry for now". Par contre elle était bien loquace quand il s’agissait de nous convaincre que la péridurale c’était le mal…

Bref, le 9eme mois, c’est TRES long, quand même.

vendredi 17 août 2012

Avant la tempête...

J'ai tout rangé - tout est prêt. Il n'y a plus qu'à partir.
J'ai quand même laissé 2-3 trucs sur ma paillasse exprès, je n'ai aucune envie que quelqu'un s'en serve pendant mon absence.
J'ai vérifié que tous mes portoirs et toutes mes pipettes portent bien mon nom.
J'ai appris à me méfier des opportunistes...
Je ne quitte pas le labo: je pars juste en congé maternité.
Jusqu'en Juin.
8 mois, certes, mais ce n'est pas une raison.
J'ai nettoyé mon ordinateur, tout sauvegardé sur le serveur, ainsi que sur un disque dur portable à ramener chez moi.
Mon bureau est propre, mais je laisse quand même quelques trucs ici ou là - personne n'est censé s'en servir non plus, mais on ne sait jamais.
C'est vendredi soir.
Tout le monde est déjà parti.
En me souhaitant bonne chance.
Est-ce qu'il nous faut de la chance ou de l'inconscience ? Aucune idée.
Mais qu'est-ce que je vais faire de mes journées jusqu'en Juin ?
Etre chercheuse, c'est ma définition.
J'habite au labo.
Et maintenant, quoi ?

mardi 7 août 2012

Poppy

My worst nightmare.
My ONLY nightmare.
So, so sorry.
 

mercredi 13 juin 2012

Calling you.

J'ai passé presque 20 ans à savoir PARFAITEMENT comment j'appelerai mes enfants. Les noms étaient choisis, gravés dans la pierre, inchangeables.
Et puis voila, un jour, le futur père répond "no, i'm vetoing this one, i hate it".
Ah.
Comment ça, veto ?
Euh, on n’est pas au conseil de sécurité de l'ONU, non plus.
Veto, c'est un peu fort ?
Non ?
Ah non, vraiment.
Bon.
Alors voilà, on passe des heures à te trouver un nom. Un joli. Pas trop commun. Qui marche en français. Qui marche en anglais. Qui plaise à ton père. Qui plaise à tes futurs grands-parents. Même si on ne les consulte pas, mais quand même - parce que ton père, vois-tu, son argument ultime est: "my dad would be SOOO disappointed if we called him XYZ...". Hm.
Et voilà, on n'est même pas encore enceinte qu'on a trouvé le prénom parfait. THE one. Il répond à tous les critères, et il ne nous reste plus qu'à attendre un test positif. Qui ne vient pas. Pendant des mois. Et des mois. Et des mois. En attendant, la collègue de labo tombe enfin enceinte, ainsi que la terre entière et sa soeur. Bon, c'est pas grave. Moi je sais comment tu t'appelles, ça me tient chaud.
Et puis voilà, après une visite de Noël à Cerne Abbas, un beau matin de janvier, on voit les 2 lignes. Et on sait déjà ton nom.
Enfin, tu aurais aussi pu être une fille, et on savait AUSSI ton nom.
Mais secrètement, j'espérais un petit mec - et un peu surtout parce que j'avais ce nom parfait. Ce nom qui avait réussi à remplacer 20 ans d'évidence.
Et voilà qu'un jour, alors que tu avais déjà 14 semaines, alors que je connaissais ton nom depuis déjà plus de 6 mois, alors que je commençais à croire que tu allais vraiment devenir ma réalité, voila donc qu'un jour, un e-mail arrive. Annoncent la naissance du fils de la collègue de labo. Celle avec qui je partage un bureau depuis plus de 6 ans. Celle qui est violemment passée de self-centered à self-obsessed depuis qu'elle est enceinte. Celle que je ne supporte plus, après tant d'année à lui offrir mon support quotidien.
Ce jour là, l'ai pleuré toute la journée.
Tu n'avais plus de nom.
Son fils te l'avait pris.
Et voir ton zizi à l'échographie 10 jours plus tard m'a (secrètement) serré le coeur.
J'avais mon p'tit mec, mais je ne connaissais pas son nom.
Il nous a fallu 3 mois pour nous en remettre, pour te retrouver une identité, pour accepter qu'un nom ne soit qu’un nom, pour accepter que le nom parfait n’existe pas.
Tu es passé par un paquet d'identités.
Mais depuis ce matin au sortir de la douche, on est enfin d'accord.
Tu as un nom.
Ca ne plaira pas à ton grand-père français, mais tant pis. Je n'arrive pas à le prononcer correctement en anglais, mais tant pis.
Ce n'est peut-être pas le nom "parfait" - mais c'est le tien - et il te va parfaitement.

mercredi 30 mai 2012

Matriochkas.

Parfois je t'oublie. Je cours (lentement) d'un labo à l'autre, je commence 10 manips à la fois, je grimpe sur mon tabouret pour attrapper des trucs et des machins, et je t'oublie.
Et il suffit que je me pose pour une demi-heure, que je me concentre sur une publi ou une présentation, et soudainement tu te rappelles à moi. Il y a un allien quelque part, derriere mon gras, et depuis peu il se manifeste doucement, un peu comme si mes entrailles entraient en spasmes pour me dire bonjour.
C'est quand meme fou, cette histoire de poupées russes.

mercredi 23 mai 2012

Patience

Même si je suis bien sure des dates, je me suis laissée embobiner par le corps médical. Enfin pas tout à fait. Je leur ai accordé 3 jours, pas 9. Bref, dans l'espace-temps -3, tu as 24 semaines pile poil. Enfin 22, mais un jour je t'expliquerai, ces choses là se comptent différemment.
24 semaines - on vient tout juste d'atteindre la limite de viabilité.
Si tu naissais aujourd'hui, tu aurais une (petite) chance de survivre.
Ca fait DES MOIS que j'attends ce jour.
Ceci dit, tu as encore quasi 4 mois à attendre. Regarde, je suis patiente, alors suis mon exemple et reste bien au chaud. Je sais, l'été arrive doucement, il fait tout soleil même dans notre grand nord, mais ton premier été sera pour l'an prochain. C'est peut-être trop injuste, mais c'est comme ça. Pour l'instant, tu serres les fesses, tu n'enroules pas ta corde autour de ton cou, tu continues à me tambouriner la vessie, et tu grandis. Tranquille. On est bien d'accord ?
Moi, je te promets de continuer à regarder les autres siroter leur vin rouge en râlant, je te promets de continuer à m'énerver durant mes nuits d'insomnies, et à ronchonner lors des matins difficiles, je te promets de continuer à utiliser religieusement l'ascenseur entre le labo du 3eme et le labo du 5eme étage, je te promets de continuer à manger de la salade, du jambon et des yaourts avec passion, je te promets de continuer à faire attention à tout, constamment, parceque que je ferai n'importe quoi pour pouvoir te rencontrer.
Mais pas tout de suite. En septembre.
Alors tu restes où tu es, et je te promets de continuer à t'attendre, patiemment.