J'ai passé presque 20 ans à
savoir PARFAITEMENT comment j'appelerai mes enfants. Les noms étaient choisis,
gravés dans la pierre, inchangeables.
Et puis voila, un jour, le futur père
répond "no, i'm vetoing this one, i hate it".
Ah.
Comment ça, veto ?
Euh, on n’est pas au conseil de
sécurité de l'ONU, non plus.
Veto, c'est un peu fort ?
Non ?
Ah non, vraiment.
Bon.
Alors voilà, on passe des heures
à te trouver un nom. Un joli. Pas trop commun. Qui marche en français. Qui
marche en anglais. Qui plaise à ton père. Qui plaise à tes futurs
grands-parents. Même si on ne les consulte pas, mais quand même - parce que ton
père, vois-tu, son argument ultime est: "my dad would be SOOO disappointed
if we called him XYZ...". Hm.
Et voilà, on n'est même pas
encore enceinte qu'on a trouvé le prénom parfait. THE one. Il répond à tous les
critères, et il ne nous reste plus qu'à attendre un test positif. Qui ne vient
pas. Pendant des mois. Et des mois. Et des mois. En attendant, la collègue de labo tombe enfin enceinte, ainsi que la terre entière et sa soeur. Bon, c'est
pas grave. Moi je sais comment tu t'appelles, ça me tient chaud.
Et puis voilà, après une visite de Noël à
Cerne Abbas, un beau matin de janvier, on voit les 2 lignes. Et on sait déjà
ton nom.
Enfin, tu aurais aussi pu être
une fille, et on savait AUSSI ton nom.
Mais secrètement, j'espérais un
petit mec - et un peu surtout parce que j'avais ce nom parfait. Ce nom qui
avait réussi à remplacer 20 ans d'évidence.
Et voilà qu'un jour, alors que tu
avais déjà 14 semaines, alors que je connaissais ton nom depuis déjà plus de 6
mois, alors que je commençais à croire que tu allais vraiment devenir ma
réalité, voila donc qu'un jour, un e-mail arrive. Annoncent la naissance du fils de la collègue de labo. Celle avec qui je partage un bureau depuis plus de 6 ans. Celle qui
est violemment passée de self-centered à self-obsessed depuis qu'elle est
enceinte. Celle que je ne supporte plus, après tant d'année à lui offrir mon
support quotidien.
Ce jour là, l'ai pleuré toute la
journée.
Tu n'avais plus de nom.
Son fils te l'avait pris.
Et voir ton zizi à l'échographie 10 jours plus tard m'a (secrètement) serré le coeur.
J'avais mon p'tit mec, mais je ne connaissais pas son nom.
Il nous a fallu 3 mois pour nous
en remettre, pour te retrouver une identité, pour accepter qu'un nom ne soit
qu’un nom, pour accepter que le nom parfait n’existe pas.
Tu es passé par un paquet d'identités.
Mais depuis ce matin au sortir de
la douche, on est enfin d'accord.
Tu as un nom.
Ca ne plaira pas à ton grand-père
français, mais tant pis. Je n'arrive pas à le prononcer correctement en
anglais, mais tant pis.
Ce n'est peut-être pas le nom
"parfait" - mais c'est le tien - et il te va parfaitement.
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