Je l'ai retrouvé, planqué dans une boite derrière mon lit, alors j'ai soufflé sur la poussière accumulée sur la couverture, et j'ai entamé ma lecture. Les mots reviennent petit à petit, je retrouve comment se présenter, acheter des carottes au marché, décrire sa maison. Les bases, mais il faut bien débuter. 6 mois que je n'avais pas ouvert mon livre d'espagnol, et la joie de découvrir une nouvelle culture reprend le dessus.
Et puis j'ai faim, il fait froid, et tout à coup mon espace m'apparait hostile face à tout ce soleil qui se déverse de ces sonorités chantantes. Mettre mon livre dans mon sac, et sortir d'ici, vite. Aller au pub, celui qui est tout près du labo, mon nouveau local, qui a le mauvais gout de ne pas servir de version végétarienne du sunday roast, tant pis, des squids and chips feront l'affaire. Calamares y patatas fritas por favor!
Les cours reprennent dans 2 semaines, je n'ai même pas oublié de m'inscrire, bravant ma peur panique des conversations téléphoniques. Bizarre malgré tout, je n'ai aucune intention d'aller en Espagne, ou en Amérique du Sud, je n'aime pas la chaleur, je n'aime pas le soleil, je n'aime pas la foule. Et pourtant, une envie irrésistible d'apprendre cette langue, comme si mon avenir en dépendait.
"Tu feras allemand & latin comme ton frère", la condamnation est tombée en fin de 5ème, alors que je croyais encore que mon père me laisserait apprendre l'espagnol, "comme les mauvais élèves". 5 années totalement inutiles à essayer vainement d'apprendre l'allemand, et une envie frustrée. Enterrée. Oubliée. Jusqu'à l'année dernière, un cours gratuit, une place libre dans une classe, et la découverte qu'apprendre une autre langue ne signifie pas forcément s'acharner sur des déclinaisons. Le bonheur.
Et soudainement, cette question débile, mais qui ne me quitte plus. Mais pourquoi veux-tu parler espagnol, ca ne te servira jamais ?! Mon esprit divague derrière mon mocha coffee et sa masse de whipped cream; le futur, l'an prochain, la fin de ce post-doc, et que faire quand je serai grande, toutes ces questions qui me terrorisent et que j'enterre systématiquement sous une grosse couche de trucs à faire immédiatement, pour m'empêcher de penser... je me repasse en boucle une liste de noms, le "réseau" de chef, les gens chez qui je pourrai envisager de développer un projet, et à chaque fois la Californie revient, et je freine des quatre fers, les US ne passeront pas par moi, jamais, malgré les sous-entendus à peine voilés de chef. Non chef, je n'irai pas chez Pr Q. comme toi, non. Et puis tout à coup un nom me revient à l'esprit. Un nom, une liste de publi impressionante, un travail vraiment intéressant, et surtout un ami de chef. Mais où travaille-t'il, je ne sais plus... aux US aussi ? Non, il me semblait qu'il était en Amérique du Sud, au Brésil, mais je ne suis plus très sure.
Arrivée au labo le ventre plein et l'esprit embrumé, je le retrouve. A Buenos Aires. En Argentine.
Voilà peut-être pourquoi je DOIS apprendre l'espagnol. Et pour la première fois depuis bien longtemps, l'avenir ne me fait pas trop peur. Enfin, jusqu'à demain matin, hein.
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