lundi 6 novembre 2006

Ça ne meurt pas un homme*

A partir et à recommencer ailleurs constamment, j'ai réussi à me construire une vie cloisonnée. Pas que le mot "réussite" convienne vraiment. Mais c'est un fait, je vis sans témoin. Ceux "d'ici et maintenant" n'ont aucune idée de mes vies antérieures.
Alors quand un bout de mon passé me revient en pleine gueule, il y reste. (dans ma gueule.)

J'ai eu plusieurs familles dans ma vie. Des gens qui m'ont accueillie et aimée. Des gens que j'ai fini par quitter ou perdre de vue, des gens que je n'avais le plus souvent pas envie d'abandonner. Parce que je les aimais encore, eux, même lorsque leur fils ne m'aimait plus, ou même si je n'aimais plus leur fils. Même que parfois j'aimais encore leur fils. Enfin Raphaël, quoi.

- What's wrong Eve, you look really sad !
- Oh, no, i'm fine.


Comment expliquer ? Comment expliquer que Raphaël vient de m'écrire, que son père est mort, et que ça me rend infiniment triste, parce que Mr G. m'avait adoptée, même si je n'ai jamais réussi à passer la barrière du "Bernard, tu", parce que nous partagions un amour inconditionnel pour son fils, et que nous l'avons partagé jusqu'à il y a 15 jours, parce qu'on écoutait religieusement Johnny sur la chaîne hifi de leur salon, parce que quand Mme G. ("Anita, tu"- "mais non, j'peux pas tutoyer ta mère enfin Raf !") me faisait peur, Bernard me faisait rire. Parce que Raphaël est sous le choc, et que malgré les 6 ans qui nous séparent de notre dernier au revoir, je ne lui ai jamais vraiment dit adieu. Parce que s'il est triste je suis triste. Parce que je ne peux rien faire, parce que je n'ai le droit de rien faire, parce que je suis du passé, parce que je ne sais pas quoi dire, parce que j'ai l'impression que ma peine est disproportionnée, parce que je suis comme une conne à l'autre bout de notre histoire à rester les bras ballants en pleurant.

My ex-boyfriend's dad is dead, and i'm really sad. What would be the point, why would i tell anybody ? Who would understand ?

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