C'est quand même mal fichu cette différence entre l'intérieur et l'extérieur, entre les pensées et ce qui s'exprime. Se retrouver apparemment incapable de raconter sa joie de vivre ou l'insouciance d'une journée de plus à jongler avec 4 projets à mener de front au labo, être percue comme une pauvre chose qui ne s'en sort pas alors que, non seulement je gère, mais en plus je m'éclate.
Oh la vie n'est pas parfaite, et oui j'ai encore des envies, et oui j'en veux toujours plus, et non je ne serai jamais satisfaite de la situation actuelle, sinon je meurs. Et puis de temps en temps je ronchonne, parce qu'il fait trop chaud, trop froid, ou trop tiède, ou juste même pour vérifier que je sais encore raler, parce que malgré ma bonne base héréditaire sur le sujet, parfois je me demande si je sais encore faire.
Depuis toujours j'ai entendu mon père me dire que "la vie est dure", et chacun des surnoms qu'il me donne est précédé d'un "ma pauvre" condescendant. Ma pauvre chérie. Ma pauvre petite crotte. Que la vie est dure. Et bien non. Non, non, non, non. La vie c'est mortel, c'est aussi excitant et effrayant qu'une montagne russe, mais ce n'est pas dur. Et il se trouve que je n'ai pas besoin de béquilles pour l'affronter, la vie, ce qui me semble une belle victoire sur les prédictions paternelles.
Mais voilà, parfois, et même souvent finalement, on croise quelqu'un plein de bons sentiments qui veut se rendre utile. Qui a besoin d'aider, soutenir, réconforter, consoler. Donner des conseils. Des trucs gentils, faits avec plein de bon coeur. Des trucs qu'on ne peut pas rejeter tellement ils sentent l'amour. Alors on laisse faire, on sourit, on écoute patiemment, parce qu'on est gentil aussi, et qu'on aime quand même bien recevoir de la gentillesse, en se demandant quand même bien pourquoi on se force finalement à ne pas courir, c'est idiot de s'encombrer d'une béquille qui risque de tomber à chaque fois qu'on n'a pas besoin de s'en servir, et justement il se trouve qu'on s'en sert peu. Voire pas. Pourquoi se servir d'un truc dont on a décidé par principe de se passer ? Et puis un jour on n'y tient plus de ces bons sentiments envahissants, et on met un bon coup de pied dedans. Parce qu'au total les bonnes intentions ne justifient pas qu'on se laisse bouffer par les peurs, les besoins, les angoisses et les désirs des autres. Parce qu'on a une vie à vivre et que l'une des missions qu'on s'est assignée depuis toujours est justement de prouver qu'on n'a besoin de personne pour vivre. En tout cas pas de cette façon.
Mais voilà, à peine le coup de pied envoyé que la culpabilité se ramène. On n'aurait pas du lui répondre d'aller mourir, elle pensait bien faire ! On n'aurait pas du lui envoyer un message si dur, il voulait juste être gentil. Et voilà, il ou elle a gagné, et au lieu de danser sur le chemin de la maison en fumant la dernière lucky de la journée, on se retrouve à tourner en rond au labo en ruminant.
C'est con.
Parce que ruminer c'est de l'énergie gaspillée stupidement.
Alors voilà, puisque je ne suis pas encore capable de ne pas me sentir coupable de la peine des autres, il ne me reste plus qu'une solution: ne plus m'énerver face aux remarques condescendantes qui pleuvent de temps à autre. Les laisser glisser sans m'en embarasser. Car je n'ai plus besoin de (me ?) prouver que la vie n'est pas dure. Je le sais. C'est ma résolution du 29 juin, la seule qui va me permettre de me remettre à courir et à danser en rigolant. Et danser, rire et fredonner, c'est de l'énergie rudement bien utilisée.
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