mardi 30 août 2005

Un cheddar-qui-pue trempé dans une pinte de vin rouge.

Malgré les moments où il me semble que c'est chez moi finalement, ici, malgré les amis et les rires, malgré le gros arbre du jardin botanique qui nous protégeait vaguement de la pluie quand nous fumions en observant la ville mouillée dimanche dernier, malgré les ampoules aux pieds d'avoir trop dansé au son des violons, démontrant une fois de plus ma maîtrise parfaite du Strip the Willow et du Gay Gordons, malgré le sable qui sent bon et les vagues de St Andrews, malgré la voiture qui roule naturellement à gauche, le poisson que je n'imagine plus autrement que battered, les discussions sans fin sur l'avenir du Labour party, malgré tous ces britanniques qui réjouissent mon quotidien, malgré cette île que j'ai appris à aimer plus que n'importe quel morceau de montagne au monde... je réalise que définitivement je n'arriverai jamais à l'enfiler, ce maudit british duffle-coat, à m'épanouir complètement dans une double identité, à me fondre dans le paysage.
Samedi soir, alors que la salle entière était acquise à George Monbiot et son charisme radical, alors que Timothy Garton Ash nous expliquait qu'être britannique, c'était facile, si facile, tellement à la portée de tous, boire un peu de thé ou de bière selon les circonstances, s'intéresser au sport, se passionner pour la météo et posséder un parapluie... alors qu'il insistait sur la nécessité d'encourager les identités culturelles multiples, d'englober sans avaler l'origine de chacun, tout en continuant à offrir la possiblité d'enfiler le fameux duffle-coat, bien moins exigeant ou étroit qu'un morceau de tartan régional, je me disais qu'il n'y avait vraiment qu'un anglais sorti d'Oxford pour vraiment y croire, à ces conneries.
Se retrouver face à un cercle d'ami aux yeux ronds, incapables de comprendre l'intérêt de mes références culturelles, aussi savantes soient-elle, passer une soirée à bailler au récit passionné des épisodes du Dr Who ou d'un quelconque autre programme mythique de la BBC, percevoir tout autour de soi cet air indigné accompagné du traditionnel "Eve, how can you not know this one, it's a classic ! Well, anyway guys, as i was saying...", précédant une longue discussion de laquelle je suis systématiquement exclue, ce sont des expériences dont on ne peut surement pas ressentir le pouvoir destructeur si on ne les a pas vécues soi-même jour après jour, certes.
Il n'empêche, se faire expliquer à quel point c'est "si facile d'être comme moi, la preuve j'y arrive", là, un samedi soir, sans prévenir, alors qu'on était juste venu écouter l'avis de 2 penseurs contemporains sur l'état du monde, c'est plus qu'insultant, après 3 ans à m'accrocher, à m'intéresser, à m'intégrer, à rêver en anglais, à penser en anglais, à les aimer, et à ne réussir finalement qu'à rester une étrangère en sol indifférent et inconscient de sa difficulté d'accès.
Et j'en arrive à penser qu'il me faudrait une autre tactique, qu'à essayer d'être un caméléon je m'épuise inutilement, et que je devrais me promener dans les rues de mon île avec une baguette sous le bras et un béret sur la tête, puisque c'est finalement la seule chose qui restera, à jamais. But no string of onions mates, let me be a wee bit revolutionary...

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