jeudi 29 septembre 2005

Tonight.

Encore un jour à courir et à m'énerver à la moindre contrariété, parce qu'il semblerait qu'une force surnaturelle ait envie de me mettre des batons dans les roues, juste pour se marrer. Du coup, quand j'ai enfin réussi à m'arracher du labo à exactement 17h03 pour filer au cinéma, j'étais vachement fière de moi. C'était avant d'attendre le bus pendant 34 minutes, 34 longues minutes à regarder ma montre, à pester dans ma tête, et à demander à cette putain de force surnatuelle de me lacher les baskets s'il te plait et de m'envoyer le bus, parce que là le film va commencer sans moi et ça va me faire pleurer de rage, et quand même, ce serait balot, non ? Bref, quand le bus est enfin arrivé je n'y croyais plus, et en m'asseyant juste derrière le conducteur, j'ai utilisé toute ma puissance télépathique pour lui dire "appuie sur le champignon bordel!", sans penser que j'aurai mieux fait de lui dire "press the damn accelerator for fuck sake!", mais des fois je ne me rends pas compte que si je suis bilingue, les chauffeurs de bus ne le sont pas forcément. Bref, en sautant du bus à 100 mètres du cinéma, et en traversant la rue, j'aperçois une seule et unique personne au distributeur automatique de billets. O joie, j'ai peut-être une chance d'arriver à temps, finalement. C'était sans compter sur l'apparition spontanée, là à 3 pas devant moi, de 3 greluches ayant décidé que c'était fantastique de papoter en retirant de l'argent plutôt que d'essayer d'être efficaces et concentrées, histoire d'aller un peu plus vite et de limiter les coups de couteaux en plein dans le bide de ma patience déjà fortement amochée. Bref, et après un dernier sprint et la surprise de devoir monter en salle 1 -la grande salle, alors que je m'attendais à une petite salle minuscule- John Cleese se bat avec les directeurs d'Orange, et je ne suis même pas en retard, à mon grand étonnement.
La tension redescend avec la musique, du jaune, du rouge, du bleu, les longues minutes du générique de début me lessivent de tout ce qui est extérieur à l'instant présent, et le choc peut commencer. Parce que oui je connais par coeur, oui mes lèvres bougent en même temps que celles de comédiens, oui je ne suis jamais lassée par ce film, mais en grand comme ça, alors que la salle est noire et silencieuse, je me le prends en pleine gueule vraiment, pour la première fois. Et je remarque des détails jamais vus auparavant, malgré les dizaines de visionnages. Un Jet que je n'avais jamais vraiment vu, tout empoté dans sa chemise, la cellulite sur les fesses d'Anybody, trahissant sa féminité naissante, l'arrestation de Chino, que je n'avais meme pas remarquée dans ce final dramatique, et le flot de mes émotions en pleine houle, l'excitation, la joie, l'incrédulité, et toujours ce même moment qui ne change pas, LE moment crucial, LE moment où j'ai envie de crier "Anita, tais-toi!", mais non, elle ne se tait pas, et Maria apprend qu'une bataille va avoir lieu ce soir, et tout bascule, et Tony se retrouve mêlé à ce qu'il avait décidé de mettre derrière lui. Plus rien ne pourra arrêter ce putain de grand rouleau, maintenant que l'engrenage est enclenché, hein ? Sauf Ice, peut-être, oui, si Ice était resté dans la boutique de Doc, s'il n'avait pas décidé d'agir en chef et de continuer à essayer de trouver Chino pour protéger Tony, Anita n'aurait pas été secouée, elle n'aurait pas menti, il n'aurait jamais laissé les Jets devenir des sauvages. Mais Ice le raisonnable n'est pas là, et le Jet à la chemise du début s'en donne à coeur joie. Trop tard donc, Tony va mourir, c'est écrit. Trop tard, ce cri animal va sortir de la bouche de Maria. "DON'T YOU TOUCH HIM !". Ce cri qui a lui seul aurait du offrir un Oscar à Natalie Wood. Le Lieutenant Schrank ne le touchera pas, mais c'est décidément trop tard. Rien n'a changé, malgré mes espoirs stupides, c'est à chaque fois pareil, le scénario refuse d'évoluer, refuse de leur donner une chance, et Tony est mort.
En même temps, c'est vrai, imaginer Tony avec une calvitie débutante et du gras au bide entrain de roter sa bière alors qu'une Maria transpirante derrière ses fourneaux crie aux gamins de venir à table, le tout dans une décor de pavillon de banlieue, c'est insupportable.
Mais... We'll find a new way of living... j'avais envie d'y croire, moi... Hold my hand and we're half way there... je ne veux pas admettre qu'un jour ils ne feront pas l'autre moitié du chemin. Oui, un jour je re-regarderai West Side Story, pour la cinquantième, la centième, ou même la millième fois, et un jour Tony & Maria partiront ensembles, dans un bus même pas en retard, vers leur happily ever after.

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